11/11/2007
Un monde sans héros, ni salaud

Plusieurs films aux dénominateurs communs « la guerre en Irak » et « le retour au pays après les combats » vont débarquer sur nos écrans. Si certains de ces films n’amèneront pas grand-chose sur le plan de la réflexion politique quant à l’ingérence des Etats-Unis en Irak et les conséquences de celle-ci, d’autres en revanche sont à souligner de par les intentions claires et cette fois-ci sans ambigüité de leurs auteurs. Pour ceux-là, le temps des caricatures et des leçons d’héroïsme est révolu, reléguant définitivement l’époque où un Rambo gagnait à lui tout seules les guerres perdues sur le terrain, lui préférant un monde sans leurre.
Deux films sont à retenir : « Dans la vallée d’Elah » de Paul Haggis et « Redacted » de Brian de Palma, car ils en sont le parfait exemple. Ces deux réalisateurs ont pris l’habitude d’aller glaner sur le web les infos que les médias traditionnels occultent. « Cherchez sur YouTube « soldats morts en Irak », « viol », « meurtre » et vous trouverez tout…», explique Brian de Palma qui, dans Redacted, retrace sous forme éclatée, fragmentaire à travers différents formats numériques (téléphone portable, caméras de vidéo surveillance…) l’histoire vraie d’une Irakienne de 15 ans violée par des soldats américains puis assassinée… Soulignons juste que le docu-fiction au vitriol de Brian de Palma, a bénéficié de l’argent venu de structures indépendantes et ne voit défiler aucune star à son générique.
Paul Haggis, lui, a commencé à travailler sur le projet de la « Vallée d’Elah » en 2003 à l’époque où, Bush bénéficiant de 80% d’opinions favorables, disait que remettre en question la guerre relevait de l’antipatriotisme et revenait à être du côté des terroristes. Imposant clairement son programme par le fameux : « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous ! », la part belle était faite aux patriotes exacerbés par de vieilles rancœurs et aux fous de guerre excités par des discours enflammés, muselant au passage « l’opposition peureuse ». « Hollywood était terrifié » raconte Haggis « personne n’avait envie d’être considéré comme un traître. Et puis un certain nombre de réalisateurs se sont interrogés : Qui est-il pour nous dire ce qu’on doit penser ? Pour désigner les bons et les méchants ? ».
On se souvient des premiers artistes à avoir essuyer la colère, voir la haine, de leurs concitoyens : un Sean Penn black-listé, une SusanSarandon menacée, tous deux en raison de leurs prises de positions contre la guerre en Irak et du discours non moins engagé de Tim Robbins, le 15 avril 2003, lors d’un déjeuner donné au National Press Club de Washington, intitulé « On peut arrêter un petit tyran. »
Il faudra quatre ans et l’appui d’un Clint Eastwood pour que Paul Haggis puisse mener à bien son projet avec un financement monté principalement sur des capitaux étrangers. La trame de son scénario est simple, sa réalisation modeste, il n’y a ni effets spéciaux, ni attentats spectaculaires, et aucun discours outrancier. Haggis s’est juste attaché, de façon lancinante et oppressante, à suivre un vétéran du Vietnam, Hank Deerfield, incarné par un Tommy Lee Jones (d’une sobriété bouleversante), dans une enquête douloureuse pour élucider la mort de son fils tout juste revenu d’Irak. Au travers de la puissance hallucinatoire d’images retrouvées sur le téléphone portable du fis de Hank, c’est tout le fiasco de la guerre qui ébranle notre vétéran. Haggis s’est appuyé sur un phénomène que nul gouvernement ne peut contrôler : les images que les soldats tournent sur le front et diffusent ensuite sur l’internet et qui constituent aujourd’hui les seules images vraies de la guerre. Une guerre dans ce qu’elle a de plus tragique et de plus sale, qui peut amener, de façon circonstancielle, des héros à devenir des salauds. Une guerre qui n’est qu’un monstre enfantant des monstres et qu’aucun patriotisme aveugle ne peut cautionner.
Et si Haggis a pris un titre qui fait référence au combat inégal que livra David contre Goliath, il faut peut-être y voir au-delà de la symbolique, le signe d’un désaveu, voir d’un rejet de cette trop grande fierté américaine qui aura amené la majorité de ce peuple à appuyer une politique basée sur la terreur et le mensonge. Une trop grande fierté que Haggis au travers de son film désigne comme un défaut majeur, voir un péché d’orgueil, et qui valut à Goliath de perdre la tête.
09:25 Publié dans Grand écran, Histoire : entre mensonges et malentendus, Le monde à sa fenêtre | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : cinéma, guerre, patriotisme, irak, soldats, etats-unis, bush
26/05/2007
Il y a bien longtemps...
"Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine..."
Le 25 mai 1977, le premier volet d'une trilogie mythique allait non seulement marquer un tournant dans l'histoire du cinéma, mais aussi l'imaginaire de toute une génération qui rêverait, longtemps après, de chevaliers Jedi pris dans la tourmente de guerres intergalactiques et de ces quelques mots devenus cultes : "Que la force soit avec toi !" La saga allait conquérir la planète et ses habitants, et verrait les générations d'après s'enthousiasmer pour le rêve d'un homme : un rêve qui eut pour nom STAR WARS.
Revenir sur cet événement, et sur ce que Frankie, adolescente, a éprouvé dans un cinéma d'Amsterdam alors que les images défilaient sous ses yeux, c'est revenir sur le petit miracle personnel que chacun porte en lui dès qu'il sent le souffle d'un vent nouveau lui murmurer à son oreille que désormais, rien ne sera plus pareil.
Mais le plus étonnant dans cette aventure qui perdure, c'est l'origine : le commencement. Et la foi d'un homme en un projet insensé et pratiquement irréalisable dans sa conception. Prévu à la base pour être un triptyque (une suite de trois trilogies), Lucas est contraint, par manque de moyens de commencer par la seconde trilogie (l'Episode IV) ; tandis que les studios ne veulent plus le suivre, il hypothèque sa maison, renonce à ses salaires, mais négocie en échange les droits exclusifs sur les produits dérivés. Le marché est quasiment inexistant à cette époque et les studios le prennent pour un fou. Pourtant le merchandising de Star Wars deviendra l'un des plus importants du monde cinématographique et Lucas gardera une maîtrise totale sur l'utilisation des personnages de ses films et sur les produits dérivés. Mais avant le succès de la saga qui permettra à George Lucas de se bâtir un empire financier, c'est au prix d'une lutte acharnée que Star Wars verra le jour et dépassera tout ce que le réalisateur lui-même a pu imaginer.
Du film à "petit budget" sans acteurs connus, à l'exception d'Alec Guinness qui accepta de jouer le rôle de Obi-Wan Kenobi pour presque rien, en échange d'une rémunération sur les futures recettes, et qui avouera avoir eu l'impression de tourner dans un film de série B, à l'avant-première qui terrassera la salle, Lucas aura eu raison d'y croire jusqu'au bout. Le long et difficile travail de post-production, engagé par le réalisteur et l'équipe chargée des effets spéciaux, a porté ses fruits : le public est scotché devant tant d'innovations et de prouesses techniques. Mais qu'est ce qui a fait courir Lucas alors que tout s'effondrait, que personne ne croyait plus à son projet, que les dettes s'accumulaient et que sa santé chancelait ? Il a fallu qu'il y croit à son rêve, cet homme-là. Et qu'une bien grande force l'ait animé au point de n'avoir jamais baissé les bras...
Est-ce l'enfance du réalisateur bercée par la lecture du premier magazine spécialisé dans la science-fiction : Amazing Stories. Est-ce le héros "Flash Gordon", dont il a envisagé l'adaptation avant même d'écrire les aventures de "Luke Skywalker". Pour ne citer qu'un seul exemple de cette influence, la planète Bespin de L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE ressemble étrangement à la cité des hommes oiseaux de "Flash Gordon". Est-ce son très grave accident de voiture, à l'âge de 18 ans, qui révèle en lui une dimension particulière de la perception de la vie et de ses intuitions qu'il associe à "la Force" de La Guerre des étoiles. Est-ce, ce sursis accordé par la vie qui le pousse à réaliser son rêve ? Il gardera sa passion intacte pour les bolides et les courses de voitures qu'il intègre systématiquement dans ses films, notamment dans son second film, American Graffiti (1973) dans lequel le réalisateur offre un rôle à un jeune menuisier de plateau : un certain Harrison Ford.
Bien que le mélange d'influences orientales (bouddhisme et code des samouraï) associé à quelques touches de mythologie gréco-romaine soit très présent, il n'en reste pas moins que la trilogie spatiale de Georges Lucas transpose ouvertement les personnages et les structures narratives du cycle de la légende Arthurienne : d'un côté la quête du Graal, de l'autre celle de la Force. Pour cette quête, on retrouve les personnages de la mythologie celte, autour de Luke Skywalker ("qui marche dans les cieux"), à la fois Arthur et Perceval ("qui parcourt les vallées"). Fils de trois pères - Vador le "guerrier", Obi-Wan Kenobi le "prêtre", et son oncle le "cultivateur", Luke a trouvé chez Merlin (d'abord Kenobi, puis Yoda) l'initiation nécessaire. Amoureux de Leia/Guenièvre, il sera trompé par Han Solo/Lancelot. L'histoire nous apprendra qu'elle est en réalité sa soeur, évitant ainsi l'inceste, contrairement à la légende Arthurienne où le roi engendra Morched avec Morgane, sa demi-soeur.
Mais au-delà de la saga, au-delà de la mythologie, Star Wars est aussi une allégorie politique pour qui sait en déchiffrer les messages.
Fabrice David, membre du groupe "Ile de France de Mythologie", a écrit ceci lors de la sortie de l'épisode III: "Il n'y a pas de hasard... Les synchronicités ont parfois ceci de merveilleux, à savoir leur invraisemblable et apparemment irrationnelle pertinence, si l'on accepte de bien vouoir les lire () Les légendes arthuriennes, bases mythiques de la saga de la Guerre des Étoiles sont ancrées en Bretagne. Car, que raconte donc Lucas dans ce troisième épisode de cette fabuleuse saga mythologique, si ce n'est, précisément, ce qui se passe aujourd'hui à la tête de l'Empire américain, en un enième répétition d'un processus séculaire, de César à Hitler, quand, au nom de la paix et de la démocratie, les dictateurs détournent le pouvoir démocratique et incarnent le mal absolu ? Il y a des jours où il est utile d'aller au-delà des apparences : oui, le 11 septembre a bien été un coup d'État militaire, non, les États-Unis ne sont plus une démocratie à ce jour, avec ce président désigné deux fois de suite par la Cour Suprême malgré des votes contraires des électeurs, oui, le Dictateur-Marionnette est en train de transformer la première démocratie du monde en Empire, tout comme le Chancelier Palpatine refuse de rendre ses pleins pouvoirs de temps de guerre avant de proclamer l'Empire..."
Alors que le côté obscur de la Force gagne du terrain un peu partout dans le monde, Frankie a une pensée pour tous les Jedi qui s'apprêtent à le combattre : "Que la Force soit avec vous !"
L'incontournable : Star Wars, la guerre des Etoiles publié aux Editions Omnibus avec les épisodes IV, V, VI et un dossier complet sur la conception et la réalisation de la saga initiale.
Et à l'occasion des 30 ans de Star Wars, à noter la parution d'un ouvrage très documenté : "Il était une fois la Guerre des Etoiles" de Fabrice Labrousse et Francis Schall aux Editions Dark Star.
03:55 Publié dans Grand écran | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : star wars, cinéma, lucas, trilogie, légende, politique, mythe